
Udecametrics, fruit de la collaboration entre la commission “Metrics & Analytics” de l’Udecam et Open Garden, se positionne comme un rendez-vous essentiel pour partager des analyses pédagogiques sur l’écosystème média.
Notre objectif est d’apporter un éclairage sur les sujets majeurs et de fournir un discours clair et didactique. Nous revenons cette semaine sur les avancées de la mesure cross-media vidéo qui, pour répondre aux attentes du marché, doit répondre à une sainte trinité : accélérer, co-construire et projeter.
Accélérer
Dans un contexte de transformation profonde des usages et d’hybridation accélérée des modèles des acteurs de la vidéo – broadcasters, plateformes de streaming et réseaux sociaux – la nécessité d’une mesure cross-média vidéo ne fait plus débat.
Le marché a désormais besoin d’une mesure unifiée, capable de fournir une vision globale, dédupliquée et reconnue par l’ensemble des acteurs, de la couverture et de la répétition des formats vidéo dans les plans médias.
L’auto-mesure des plateformes ne peut plus constituer un standard de référence fiable pour les annonceurs et leurs agences. Seule une mesure indépendante permettra d’éclairer objectivement la performance media et la valeur réelle des environnements vidéo.
À l’international, plusieurs initiatives portées par les annonceurs se sont déjà structurées autour des principes de la “North Star” de la WFA (World Federation of Advertisers), visant à mieux appréhender les performances des plans vidéo. C’est le cas des projets Origin au Royaume-Uni et Aquila aux États-Unis. Sur ces marchés, les dispositifs sont encore en phase de test et les discussions se poursuivent entre l’ensemble des parties prenantes.
En France, il est essentiel que cette mesure s’inscrive, comme cela a toujours été le cas, dans une logique de consensus, d’autonomie et d’indépendance, en s’appuyant sur un tiers de confiance : Médiamétrie.
C’est dans cet esprit qu’a été créé, le 6 mars 2025, le comité Cross Média Vidéo, avec une organisation unique au monde. Il réunit les représentants des chaînes de télévision, des grandes plateformes et des acteurs du streaming, tout en intégrant les agences médias et les marques au cœur de sa gouvernance.
Cette mesure devra également être compatible avec les standards et normes internationales, afin de garantir l’harmonisation des pratiques et d’éviter que le marché français ne soit marginalisé.
Enfin, l’un des enjeux majeurs de cette future mesure réside dans son caractère interopérable et industrialisable. À terme, elle devra irriguer l’ensemble des processus, de la planification des campagnes jusqu’au reporting, en passant par l’optimisation en cours de diffusion.
Dans ce cadre, le rôle des agences sera déterminant : elles auront la responsabilité de traduire cette nouvelle mesure en leviers opérationnels, au service des annonceurs, via une expertise vidéo renforcée, plus transversale et plus stratégique.
Co-construire
La mise en place de cette mesure d’audience, dite Watch, n’est pas une révolution magique : c’est un chantier graduel, piloté collectivement. Agences, annonceurs et mesureurs ont travaillé de concert pour établir une vision réaliste et actionnable de la mesure.
Dans ce processus de co-construction, les agences médias multiplient les “reality checks” pour s’assurer que les avancées proposées correspondent aux attentes et contraintes des annonceurs.
Dans ce processus mesureurs, régies, éditeurs, agences et annonceurs n’ont pas seulement validé un process, nous l’avons challengé et alimenté.
Etape par étape les agences ont eu et auront un rôle central à savoir intégrer le “ reality check”, quelle est la réalité commerciale et l’adaptation aux contraintes opérationnelles de chaque annonceur mais aussi des outils disponibles sur le marché. Sans cette capacité d’interprétation et d’exécution, une mesure reste une vitrine technique, pas un outil opérationnel.
En ce sens, nous devons réintroduire clairement la distinction entre Watch “édito” et Watch “pub”, les deux mesures du total vidéo qui seront disponibles, l’une mesurant l’audience des plateformes et de leurs contenus et l’autre la couverture publicitaire dedupliquée TV + vidéo digitale. En effet, mesurer le comportement de visionnage n’a pas les mêmes finalités que mesurer l’exposition publicitaire.
De même, il ne faut pas confondre trading, audience et médiaplanning, trois usages distincts qui exigent des métriques, des granularités et des garanties différentes.
Watch doit répondre à ces usages en progressant étape par étape : permettre dans un premier temps d’avoir des bilans sur la diffusion des campagnes vidéo, alimenter les outils du marché et des agences pour renforcer l’efficacité des allocations budgétaires et enfin devenir une donnée de pilotage pour les achats médias.
Un point clé pour le trading : se doter d’une currency robuste, adaptée aux enjeux commerciaux, capable d’alimenter des enchères et des achats programmatiques même sur la TV linéaire.
Les agences agissent une fois de plus comme interfaces entre le standard technique et la réalité des achats. Il sera essentiel de collaborer sur la définition et l’application des standards de mesure adaptés à chaque annonceur, en tenant compte de l’impact potentiel de la complétion vidéo sur la couverture. Ce sujet constituera sans aucun doute l’un des axes de travail majeurs pour 2026.
La co-construction implique une gouvernance partagée : les décisions sont collectives et concernent tous les acteurs. Le prochain sujet à traiter portera sur le modèle économique et le financement équitable selon les enjeux de chacun.
La mesure a une valeur et donc un prix.
Projeter : anticiper les risques et ouvrir le champ des possibles
Projeter, c’est regarder au-delà de l’enthousiasme initial pour anticiper les zones de fragilité. Les risques d’une course aux KPI sont bien réels : la tentation de développer des offres calibrées pour répondre à des indicateurs moins disants, parfois au détriment de la qualité des environnements, est forte. La concrétisation d’une mesure marché ne doit pas devenir un prétexte pour privilégier la quantité à la qualité d’exposition.
La concrétisation d’une mesure marché ne doit pas devenir un prétexte pour privilégier la quantité à la qualité d’exposition.
Dans le même esprit, la lecture des données exige une vigilance accrue. Avec « six normes pour les gouverner tous », le marché devra garantir une application homogène pour éviter des interprétations divergentes et des biais dans les décisions médias. La cohérence des standards sera la clé pour préserver la crédibilité du dispositif.
Autre enjeu : étendre le périmètre et connecter les tuyaux. La mesure ne peut se limiter aux acteurs historiques, elle doit refléter la réalité des usages en intégrant l’ensemble des plateformes quelles qu’elles soient (BVOD, SVOD ou plateformes vidéo comme Youtube). Assurer l’interopérabilité des systèmes sera un impératif pour éviter les ruptures dans la chaîne de valeur.
Une mesure unifiée, au-delà d’avoir le rôle d’une lecture comparable des environnements, doit aussi permettre à l’ensemble de l’écosystème publicitaire de s’interroger de la pression publicitaire et de la fatigue des audiences. C’est un enjeu stratégique pour préserver l’expérience utilisateur et la performance des campagnes.
Enfin, renforcer la gouvernance par la transparence sera indispensable. L’intégration d’audits CESP crédibilisera le dispositif et instaurera la confiance. La mesure doit être un outil fiable, pas une boîte noire.
Et après Watch ? Lire, voyager, écouter… La vidéo n’est qu’un début. La prochaine étape sera d’ouvrir la mesure au print, à l’affichage, à l’audio, pour construire une vision réellement holistique des parcours consommateurs. Anticiper, c’est préparer cette convergence et s’assurer que la technologie reste au service de la pertinence des décisions médias.

